Création

La grande Nature vierge est tout simplement belle, propre et de ce grain
brillant toujours nouveau qui enveloppe toute chose naturelle.
Seule l’homme moderne adulte échappe à ce sortilège de magnificence
pendant que l’animal, le végétal, le minéral, s’accordent. Ils s’imbriquent en
partage dans les supports et les nourritures. On se mange, on se dévore et
l’invisible est là, incroyablement présent. L’inobservable, l’indiscernable, le
silence, sont un liant, un agglomérant. C’est une danse par union, une équité,
un accouplement par les mélanges des sensualités. C’est l’intelligence
dénuée de raison, imprégnant, enlaçante de ses milliers de bras d’amour.
Dans chaque infime particule, chaque être, chaque différence et toutes les
apparences frissonne cette imagination lumineuse. Elle apparait parfois
chez les humains dans les arts. Elle s’écoule d’un regard, ou affleure de la
peau dans un scintillement hardi.
Dès que l’homme s’introduit dans ce monde nature, son regard est captivé
par les tournures, les phénomènes séduisants. Il loue le paysage qu’il va
dérober de son objectif ou de ses mots et son plaisir agit en resquilleur et
spoliateur, excluant toute larme de joie.
Aveugle devant l’indiscernable, il sépare, cloisonne et lui, son voisin et la
nature. Il assassine sans le savoir cette vie, ce Partout. Son arrogance n’est
que grisaille car persuadé de la justesse de sa raison et de sa vision.

Bien heureusement, l’insaisissable parfois prend forme et s’élève un surréel
guérissant autant que féérique.
Le roc au cœur bleu, poudré d’un infime voile vert, répand son immobilité.
Captive et avertie l’ âme enfouie, nue, s’abandonne et disparait en secret.
Un papillon noir au vol espiègle et hasardeux se câline délicieusement
dans l’air de la grisaille automnale. C’est un dernier vol, hommage à la
douceur des premiers jours d’automne. Il semble soudainement échappé de
nulle part ou naquit spontanément de l’air ambiant, du bleu trop enfoui, ou
encore d’une poitrine exilée, peut être d’une de mes mains ?
Ne serait il point, une alliance, une complicité, un élan de tout cela ?

Toute remplie, ma patte pétille et sous la peau de la paume légèrement
renflée, des voiles de brumes claires dansent au vent de l’être toujours
trop mystérieux. Mes mains semblent se nourrir en touchant, en caressant,
en aimant. Bien heureusement toutes mes activités, affairements,
bouillonnements invitent à ce penchant, à cet instinct qui porte et me déborde.

La durée remplit et façonne l’espace, épisode infructueux malgré une audace pudique qui flotte et qui semble bien au delà de cet événement.

Le papillon aux deux ailes nègres absorbe l’avenir et un champ large
s’ouvre alors devant ses antennes rieuses. Ses élytres délicates autant
qu’inspirées se posent dans l’air du temps et inventent une météorologie
lumineuse.
Dans le noir de ces exquises voiles obscures, des étincelles invisibles
crépitent, intuition mystérieuse qu’il faut écouter, accueillir et croire parce
qu’elle est surhumaine si ce n’est divine.

L’échappée est belle.

La conjoncture des évènements est un songe qui foisonne d’émotions
variées, tristes, allègres, tragiques, le tout voguant sur une mer
audacieuse. Chaque instant goute sa vague dans une danse instantanée,
puis retourne à son immensité … avalée.

La grande lune du cœur d’automne gravît les pentes de l’orient. Son
mouvement est parfait dans la poursuite vaine des traces du soleil. Celui-ci
a déjà glissé dans des draps rouges sangs dont les plis couleur argent,
soulignent un passage éphémère.
La place est libre, brûlante et dans un ciel écaillé, l’astre du soir s’embrase
et resplendit. Le papillon fait d’azur et de lumière retourne dans sa tanière
tel un ours, ce soir d’automne. Là dans son sommeil, il prendra des
nouvelles de l’âme bleue, instinct brillant de la nuit. En humble messager, il
reviendra porter ces missives et nous éclairer de ses ailes qu’il a inventées
toutes noires, pour qu’à chaque battement, se sèment des parcelles de
lumière.
Tout s’agence parfaitement, tel une poésie aux rimes accomplies.

Le nouveau-né qu’il soit lune de crépuscule, soleil du matin encore voilé,
jeune pousse fragile guettant son absolu dans un incontournable destin,
chaque brin de la vie est une voix qui chante le merveilleux où tout
s’imbrique.
Je voudrais armé de patience et d’urgence, m’enfoncer dans ces mots qui
résonnent d’un écho silencieux, me couler dans cette voie de ferveur, de la faveur choisie afin de saisir cette chance si hasardeuse..

Je voudrais plus que les mots, acter telle la lune ou le soleil dans les
poésies du faire, dans les vigueurs printanières autant que dans le souffle si
profond du petit enfant qui dort.
Yusen