Kyudo-La voie de l'Arc

LE FUBOKAN DE FRANCE

Catégorie : Lectures Page 1 of 2

Peter Handke

Joue le jeu. Menace le travail encore plus. Ne sois pas le personnage principal. Cherche la confrontation. Mais n'aie pas d'intention. Évite les arrières -pensées ; Ne tais rien. Sois doux et fort. Sois malin, interviens et méprise la victoire. N'observe pas ; n'examine pas, mais reste prêt pour les signes, vigilant. Sois ébranlable. Montre tes yeux, entraine les autres dans ce qui est profond,prends soin de l'espace et considère chacun à son image. Ne décide qu'enthousiasmé. Échoue avec tranquillité. Surtout aie du temps et fais des détours. Laisse toi distraire. Mets toi pour ainsi dire en congé. Ne néglige la voix d'aucun arbre, d'aucune eau. Entre où tu as envie et accorde toi le soleil. Oublie ta famille, donne des forces aux inconnus, penche toi sur les détails, pars où il n'y a personne, fous toi du drame du destin, dédaigne le malheur, apaise le conflit de ton rire. Mets toi dans tes couleurs, sois dans ton droit, et que le bruit des feuilles devienne doux. Passe par les villages je te suis.

Peter Handke

Simone Weil

Enraciné dans le ciel

"Seule la lumière qui tombe continuellement du ciel fournit à un arbre l'énergie qui enfouit profondément dans la terre ses puissantes racines :
en vérité, l'arbre est en réalité enraciné dans le ciel !”

Simone Weil

Rainer Maria RILKE

Reste tranquille

Reste tranquille, si soudain
l'Ange à ta table se décide ;
efface doucement les quelques rides
que fait la nappe sous ton pain.
Tu offriras ta rude nourriture,
pour qu'il en goûte à son tour,
et qu'il soulève à la lèvre pure
un simple verre de tous les jours.

Rainer Maria RILKE.

Arnaud DESJARDINS

   En parlant comme je le fais maintenant, avec conviction et insistance, j'ai l'air de considérer que nous avons une très grande liberté pour mener cette stratégie, pour décider je veux faire ceci, je veux faire cela, comme si nous pouvions manoeuvrer à notre gré les causes et les effets. 
En fait, je pourrais tout aussi bien dire, ce qui semble en complète contradiction, que des chaînes de causes et d'effets sont à l'œuvre et que, de toute façon, pour reprendre les paroles de Ramana Maharshi : « Ce qui doit arriver arrivera, quoi que vous fassiez pour que cela n'arrive pas, et ce qui ne doit pas arriver n'arrivera pas, quoi que vous fassiez pour que cela arrive. » Comment allons-nous concilier la nécessité d'agir avec cette formulation du Maharshi qui paraît d'un déterminisme accablant? J'avais demandé à Swâmiji s'il reprenait à son compte une telle parole et il l'avait à la fois justifiée et nuancée, en ce sens que si nos efforts, nos tentatives vont non pas à l'encontre de notre mécanicité et de la force d'inertie des habitudes mais à l'encontre du mouvement même de la nature, de l'ordre des choses, effectivement ils n'aboutiront pas. 
Si ce que nous décidons – je vais entreprendre un voyage, je vais gagner de l'argent, je vais modifier ma vie professionnelle – va à contre-courant de cet immense ensemble de chaînes de causes et d'effets qui constitue la marche de l'univers, nous échouerons, nous nous épuiserons pour des résultats qui ne viendront jamais. Mais si ce que nous décidons c'est d'agir non pas en contradiction avec l'ordre de l'univers mais en contradiction avec nos habitudes et notre mécanicité, là nous pouvons réellement obtenir des résultats, y compris des résultats extérieurs, c'est-à-dire réussir certaines de nos entreprises qui nous apporteront un épanouissement, une croissance, un accomplissement, l'opposé de la frustration, et en même temps qui induiront un changement de notre être en profondeur.
«Être Conscient, c'est être en intimité avec soi-même et le partager ensemble, c'est savoir se relier dans l'instant avec ce qui nous habite en profondeur, c'est savoir écouter à partir de cette même profondeur, c'est être là, tranquille, disponible, attentif, vulnérable.»

Arnaud Desjardins

Heidegger

La loi cachée de la terre conserve celle-ci dans la modération
qui se contente de la naissance et de la mort de toutes choses dans le cercle assigné du possible,
auquel chacune se conforme et qu'aucune ne connaît.
Le bouleau ne dépasse jamais la ligne de son possible.
Le peuple des abeilles habite dans son possible.
La volonté seule, de tous côtés s'installant dans la technique, secoue la terre et l'engage dans les grandes fatigues,
dans l'usure et dans les variations de l'artificiel.
Elle force la terre à sortir du cercle de son possible, tel qu'il s'est développé autour d'elle,
et elle la pousse dans ce qui n'est plus le possible et qui est donc l'impossible. 

Heidegger

   À l’arrivée du Bouddhisme au Japon vers le VII ième siècle, les moines érigent de véritables monuments floraux appelés « RIKA » pour honorer le Bouddha dans le temple. Ils y représentent ainsi le « DAICHIZEN » , "La Grande Nature" dans son sens le plus sacré. Ainsi chaque branche de la composition, animée d’un esprit vivant, est dotée d’une connotation symbolique. 
Plus tard, vers le 15ième,16ième siècle, l’aristocratie emprunte ces œuvres, et transforme ce courant de l’ascèse en une pratique festive où le sens artistique acquiert toute sa valeur. 

Progressivement avec l’évolution sociale, l’école RIKA devient L’école des Fleurs Vivantes. Le sens sacré n’est cependant pas oublié. 
La pratique des fleurs s’intègre dans le « KADO » (Chemin des fleurs), concept philosophique suivi particulièrement par les lettrés jusqu’à notre époque moderne pour accéder au sentiment de paix au travers de la beauté de la nature. 

Au 20ième siècle, on parle volontiers d’une façon plus concrète de « IKEBANA » terme moderne traduit littéralement par 
« mettre en vie, le végétal » .
L’Ikebana du 20 et 21ième siècle s’inscrit cependant dans une continuité d’évolution historique qui ne renie en rien ses origines. Si la forme des vases et des bouquets change au cours des siècles, la pratique attachée à son esprit d ‘origine, reste imprégnée des RIKAS et du sens du Kado, et ne peut être en aucun cas assimilée à un simple loisir. En contradiction avec notre société consommatrice, faire de l’Ikebana s’éloigne du terme impropre de Art Floral. 

Au-delà de son côté agréable et séduisant, la pratique de l’Ikebana ,après le temps romantique de sa première découverte, nous plonge dans des niveaux de plus en plus profonds ; sans l’étude et la motivation d’une approche authentique, on se contente de ne perfectionner qu’un art alléchant d’exotisme. On évite de se rapprocher ainsi de la nature profonde. Le risque en est finalement de s’oublier soi-même et de ne pas cheminer dans les couches profondes de son être, nous empêchant finalement à toute élévation de l’âme. 

L’étude de l’Ikebana ne se fait donc pas sans certaines contraintes ; comme dans la musique, le professeur qui guide la démarche donne toute la confiance à la personne qui apprend, mais ne peut en toute conscience que prendre la responsabilité de mener son enseignement dans la plus grande intégrité. De part et d’autre motivation, persévérance évincent les recettes et les habitudes. Dans cette situation, on peut parler non seulement de l’art d’être professeur mais aussi celui d’être élève. Dans la pratique de l’ikebana au Japon, cette relation maître-élève est sacrée. Elle n’entrave pas pour autant la liberté de chacun. Il est dit que les 20 premières années, l’élève suit le maître, les 20années suivantes, il essaie de l’égaler pour tenter de le dépasser pour le temps qui va suivre.

La détente, si agréable soit-elle, que procure l’occupation ordinaire avec les fleurs, peut se transformer en un plaisir et une joie intérieurement très profond si l’on accepte de rentrer véritablement dans l’étude. N’est-on point complétement satisfait lorsque par notre motivation d’apprendre, le cheminement quelquefois chaotique et inconfortable nous permet cependant de sortir de la périphérie tentante mais bien superficielle de notre Ego. Ainsi, en traversant les différentes zones inconnues de notre ignorance, on accède à ce qu’on appelle : le Feu Sacré.

                                                                                                                                               Marette Renaudin

E s s a y er ?

Dans notre monde un peu bancal où les apparences dominent la relation, où les multiples pratique « spirituelles » foisonnent vantant les « bon pour le stress ou bon pour la santé..... » on attire les futurs élèves, par cette petite phrase qui revient sans cesse sur les prospectus : « cours d’essai gratuit ». Et le processus s’inverse aussi et chaque futur pratiquant en vient à demander comme un droit évident, la séance d’essai, sans autre questionnement dans sa conviction. Bien sur il est légitime de chercher la discipline et le maître, celui qui peut nous guider. Mais croyez vous qu’une séance va vous donner tous les éléments pour poursuivre cette pratique ? Toute pratique quand on débute est ardue, rien n’est facile ni donné. Ici dans les études proposées, le chemin est long, difficile, parsemé d’embuches, plein de mystères, de beauté, de rencontres, de joie et tout cela de plus en plus... Observez une séance, posez vos questions, partagez votre motivation alors peut être pourriez vous ressentir si votre chemin passe par là et cela sera la manière de vous tromper le moins. Pour une discipline qui peut beaucoup vous apporter, prendre un peu de risque n’est il pas déterminant pour cette histoire du cœur ? Alors vos progrès, vos joies seront à la hauteur de votre motivation.
                                                                                                  Bernard Bleyer

Au Tibet, les peaux de cuir neuves sont exposées au soleil et frottées de beurre, pour les assouplir. 

Le pratiquant est comme la peau neuve, dure et raide, avec des vues étriquées et une rigidité conceptuelle. 
L’enseignement (dharma) est comme le beurre, il pénètre grâce à la friction de la pratique tandis que le soleil est comme l’expérience directe ; lorsque les deux sont appliqués, le pratiquant devient souple et docile. 
Mais on conserve aussi le beurre dans des sacs de cuir. Quand on abandonne du beurre dans un sac pour plusieurs années, le cuir du sac devient dur comme du bois et aucune quantité de beurre frais ne peut plus l’assouplir. 
Quiconque passe des années à étudier les enseignements, favorisant énormément l’intellect et très peu l’expérience pratique, est comme le cuir durci. 
Les enseignements peuvent assouplir la dure peau d’ignorance et de conditionnements mais, lorsqu’ils sont stockés dans l’intellect, qu’ils ne pénètrent pas la personne par la pratique, qu’ils ne sont pas réchauffés par l’expérience directe, alors la personne peut devenir rigide et dure dans sa conception intellectuelle. 
Les nouveaux enseignements ne l’assoupliront pas, ne la pénétreront pas et ne la changeront pas. 
Nous devons être attentifs à ne pas stocker les enseignements comme de simples connaissances intellectuelles, de peur qu’elles obstruent l’accès à la sagesse.
Les enseignements ne sont pas des idées à collectionner, mais un chemin à parcourir.

Tenzin Wanghyal Rinpoche

            Yoga tibétain des rêves et du sommeil

Le Papalagui : Propos du chef Touiavii

La maladie de penser sans cesse

Quand le mot esprit vient dans la bouche du Papalagui, ses yeux s'agrandissent, s'arrondissent et deviennent fixes, il soulève sa poitrine, respire profondément 
et se dresse comme un guerrier qui a battu son ennemi, car l'esprit est quelque chose dont il est particulièrement fier. 
Il n'est pas question là du grand et puissant Esprit que le missionnaire appelle Dieu, et dont nous ne sommes tous qu'une image chétive, 
mais du petit esprit qui est au service de l'homme et produit ses pensées.

Quand d'ici je regarde le manguier derrière l'église de la mission, ce n'est pas de l'esprit, parce que je ne fais que regarder. 
Mais quand je me rends compte que le manguier dépasse l'église, c'est de l'esprit. Donc il ne faut pas seulement regarder, mais aussi réfléchir sur ce que l'on voit. 
Ce savoir, le Papalagui l'applique du lever au coucher du soleil.

Son esprit est toujours comme un tube à feu chargé ou comme une canne à pêche prête au lancer. Il a de la compassion pour nous, peuple des nombreuses îles, 
qui ne pratiquons pas ce savoir-réfléchir-sur-tout. D'après lui, nous serions pauvres d'esprit et bêtes comme les animaux des contrées désertiques.

C'est vrai que nous exerçons peu le savoir que le Papalagui nomme penser. Mais la question se pose si est bête celui qui ne pense pas beaucoup, 
ou celui qui pense beaucoup trop. Le Papalagui pense constamment: « Ma hutte est plus petite que le palmier ... Le palmier se plie sous l'orage... 
L'orage parle avec une grosse voix ... » Il pense ainsi, à sa manière naturellement. 
Et il réfléchit aussi sur lui-même : «je suis resté de petite taille... Mon cœur bondit de joie à la vue d'une jolie fille j'aime beaucoup partir en mélaga... » Et ainsi de suite.

C'est bon et joyeux, et peut même présenter un intérêt insoupçonné pour celui qui aime ce jeu dans sa tête. Cependant le Papalagui pense tant que penser lui est devenu une habitude, 
une nécessité et même une obligation. Il faut qu'il pense sans s'arrêter. Il parvient difficilement à ne pas penser, en laissant vivre son corps. 
Il ne vit souvent qu'avec la tête, pendant que tous ses sens reposent dans un sommeil profond, bien qu'il marche, parle, mange et rie.

Les pensées, qui sont les fruits du penser, le retiennent prisonnier. Il a une sorte d'ivresse de ses propres pensées. 
Quand le soleil brille, il pense aussitôt: « Comme il fait beau maintenant! » Et il ne s'arrête pas de penser: « Qu'il fait beau maintenant! » 
C'est faux. Fondamentalement faux. Fou. Parce qu'il vaut mieux ne pas penser du tout quand le soleil brille.

Un Samoan intelligent étend ses membres sous la chaude lumière et ne pense à rien. Il ne prend pas seulement le soleil avec la tête, mais aussi avec les mains, 
les pieds, les cuisses, le ventre et tous les membres. Il laisse sa peau et ses membres penser pour lui. Et ils pensent certainement aussi, même si c'est d'une autre façon que la tête. 
Mais pour le Papalagui l'habitude de penser est souvent sur le chemin comme un gros bloc de lave dont il ne peut se débarrasser. Il pense à des choses gaies, mais n'en rit pas, 
à des choses tristes, mais n'en pleure pas. Il a faim, mais ne prend pas de taro ni de palousami (1). 
C'est un homme dont les sens vivent en conflit avec l'esprit, un homme divisé en deux parties. 

La vie du Papalagui est comparable à un homme qui part en pirogue à Savaii et pense, à peine éloigné de la rive : "Combien de temps me faudra-t-il pour arriver à Savaii? » 
Il pense, mais ne voit pas le paysage charmant dans lequel se déroule son voyage. Bientôt sur la rive gauche se présente un flanc de montagne. 
Son œil l'a à peine capté qu'il ne peut le lâcher : « Que peut-il y avoir derrière la montagne ? Une baie étroite ou profonde ?»

Avec de telles pensées il oublie de chanter en compagnie des jeunes le chant des rameurs. Il n'entend pas non plus le joyeux badinage de la jeune fille.
La baie et la montagne à peine dépassées, une nouvelle pensée le tracasse: "Et si l'orage venait avant le soir ?» Dans le ciel clair il cherche des nuages sombres, 
en continuant à penser à l'orage qui pourrait bien venir. L'orage ne vient pas, et le soir, il atteint Savaii sans encombre. Pourtant c'est comme s'il n'avait pas voyagé, 
car ses pensées étaient toujours loin de son corps et hors du bateau. Il aurait aussi bien pu rester dans sa hutte d'Oupolou.

Un esprit qui nous tracasse comme ça est un Aïtou et je ne vois pas pourquoi il faudrait que je l'aime. Le Papalagui aime et respecte son esprit. Il le nourrit avec les pensées de son cerveau. 
Il ne le laisse jamais avoir faim, et pourtant cela ne l'étouffe pas, car les pensées se dévorent entre elles.

Il fait beaucoup d'éclat avec ses pensées et les laisse devenir bruyantes comme des enfants que l'on n'a pas encore éduqués.
Il se conduit comme si ses pensées étaient aussi précieuses que les fleurs, les montagnes et les forêts ! 
Il parle de ses pensées comme si en comparaison un homme brave et une femme gaie n'avaient aucune valeur! 
Il se comporte même comme s'il y avait quelque part le commandement que l'homme devait beaucoup penser, et même comme si ce commandement venait de Dieu...

Quand les palmiers et les montagnes pensent, ils ne font pas beaucoup de bruit. 
Et sûrement que si les palmiers pensaient aussi fort et aussi obstinément que le Papalagui, ils n'auraient pas de belles feuilles vertes ni des fruits d'or. 
Ils tomberaient avant d'être mûrs. (Car l'expérience confirme que penser rend vite vieux et enlaidit). Mais il est plus vraisemblable qu'ils pensent très peu...

Il y a toutes sortes de façons de penser et divers buts pour la flèche de l'esprit. Je plains les penseurs qui se préoccupent du temps qui est loin de nous.
"Comment est-ce que cela sera quand viendra le prochain rougeoiement du matin ? Que projette pour moi le Grand-Esprit quand j'irai dans le Saléfé'é (2) ? 
Où étais-je avant que les messagers de Tagaloa (3) m’offrent l'agaga (4) » Ces pensées sont aussi inutiles que de vouloir voir le soleil les yeux fermés. Cela ne marche pas. 
Ce n'est pas possible de penser aux temps à venir et aux commencements et d'aboutir réellement dans ses réflexions. 
Ceux qui essaient en font l'expérience: ils passent sans évolution de la jeunesse à l'âge adulte comme le martin-pêcheur s'immobilise à un emplacement. 
Ils ne voient plus le soleil, la mer immense, la jeune fille aimable, ils n'ont plus de joie, plus rien. Ils n'apprécient même plus le kava, 
et pendant la danse sur la place du village ils regardent la terre devant eux. Ils ne vivent pas, bien qu'ils ne soient pas morts. La maladie de penser sans cesse les a atteints gravement.

Ces pensées doivent agrandir la tête. D'ailleurs quand quelqu'un pense beaucoup et rapidement, on dit en Europe qu'il a une grosse tête. 
Au lieu d'avoir pitié de ces grosses têtes, le Papalagui les respecte particulièrement. Les villageois les prennent pour chefs, et quand une grosse tête arrive, 
elle doit penser en public, ce qui est très admiré et ravit tout un chacun. Quand une grosse tête meurt, tout le pays est en deuil et beaucoup de regrets se manifestent pour cette grande perte. 
On fait une copie dans la pierre de la grosse tête décédée et on l'expose à tous les regards sur la place du marché. On taille ces têtes de pierre encore beaucoup plus grosses qu'elles ne l'étaient de leur vivant, 
pour que les gens du peuple s'émerveillent vraiment et se souviennent humblement de leur propre petite tête.

Quand on demande à un Papalagui : "Pourquoi penses-tu autant ? » Il répond : "Parce que je ne veux pas Rester idiot ». 
On considère qu'est valéa (5) tout Papalagui qui ne pense pas, même si en vérité, il est intelligent, celui qui ne pense pas beaucoup et pourtant trouve son chemin.

Je crois que ceci n'est qu'un prétexte et que le Papalagui ne fait que suivre un mauvais penchant. Le véritable but de ses pensées est la conquête des forces du Grand-Esprit.
C'est une manière d'agir qu'il indique lui-même dans le mot: connaître. Connaître, ça veut dire avoir une chose si près des yeux, que, le nez dessus, on passe à travers.

Cette fouille ou cette pénétration de toute chose est une convoitise méprisable et de mauvais goût. Le Papalagui saisit par exemple une scolopendre (6) , 
la transperce avec une petite lance, lui arrache une patte et dit : « A quoi ressemble une patte séparée de son corps? ... Comment tenait-elle au corps? »
Il casse la patte pour examiner l'épaisseur. C'est important, c'est capital !... Il enlève de la patte une esquille grosse comme un grain de sable et la pose sous un long tube 
à la force mystérieuse qui donne aux yeux une vue bien plus perçante. Avec ces grands yeux puissants il scrute chaque chose, un cheveu, un lambeau de ta peau, tes larmes, tout. 
Il divise tout jusqu'à ce qu'il arrive à un point où rien ne peut plus être séparé ni divisé. Bien que ce point soit le plus petit, il est essentiel, 
car c'est l'entrée de la plus haute connaissance, celle que détient seulement le Grand-Esprit.

Cette entrée-là est tout de même interdite au Papalagui, et ses meilleurs yeux magiques n'ont pas encore regardé à l'intérieur.
Le Grand-Esprit ne laisse jamais prendre ses secrets. Jamais. Celui qui garde ses jambes enlacées autour du palmier n'est jamais monté plus haut que le palmier. 
Arrivé à la cime il faut qu'il redescende, le tronc manque pour grimper plus haut. Le Grand-Esprit n'aime pas les indiscrétions des hommes, 
c'est pour cela qu'il a tendu sur toutes choses de grandes lianes qui n'ont ni début ni fin. Et celui qui recherche de très près toute pensée découvrira sûrement qu'il finit toujours bredouille,
et qu'il doit laisser au Grand-Esprit les réponses qu'il ne peut donner lui-même.

Même les plus intelligents et les plus obstinés des Papalaguis en conviennent. Cependant, la plupart des malades de la pensée ne renoncent pas à leur plaisir.
Et il se passe que la pensée conduit l'homme autant de fois dans l'errance que s'il se promenait dans la forêt vierge là où aucun sentier n'est encore tracé. 
Ils pensent d'une façon tordue, et leurs sens peuvent - c'est effectivement arrivé - ne plus distinguer tout à coup l'homme de l'animal.
Ils prétendent alors que l'homme serait un animal, et que l'animal serait humain!

C'est une chose grave et lourde de conséquences que toutes les pensées, indifféremment bonnes ou mauvaises, soient jetées de la même façon sur les minces nattes blanches.
Le Papalagui dit qu'elles sont imprimées. Cela veut dire que, ce que ces malades-là pensent est alors écrit avec une mystérieuse machine, pleine de merveilles,
qui a mille mains et la volonté puissante de plusieurs grands chefs. Pas une ou deux fois seulement, mais de multiples fois, infiniment toujours les mêmes pensées. 
Une grande quantité de nattes de pensées est ensuite comprimée en paquets - le Papalagui les appelle livres - et expédiée dans tous les coins du grand pays. 
Tous ceux qui absorbent ces pensées sont aussitôt contaminés. Car on engloutit les nattes de pensées comme des bananes très douces.
Elles ont leur place dans chaque hutte. On en remplit des bahuts entiers, et jeunes et vieux les grignotent comme les rats rongent la canne à sucre.
Il résulte de cela qu'un très petit nombre de Papalaguis peut encore avoir avec bon sens des pensées simples comme tout Samoan authentique.

Dans la tête des enfants aussi, on pousse des quantités de pensées, tant qu'elles y entrent. Ils doivent de force ronger chaque jour leur quantité de nattes à penser. 
Seuls les plus sains repoussent ces pensées ou les laissent passer par leur esprit comme à travers un filet. 
La plupart malheureusement surchargent leur tête avec tant de pensées qu'il n'y a plus de place à l'intérieur, et la lumière n'y pénètre plus. 
On appelle cela former l'esprit, et l'état résultant de cette sorte de trouble l'instruction, qui en général est très étendue.

L'instruction signifie : remplir les têtes à ras bords de savoirs. Celui qui est instruit, ou cultivé, connaît la hauteur du palmier, le poids de la noix de coco, 
le nom de tous ses grands chefs et la date de leurs guerres. Il sait la taille de la lune, des étoiles et de tous les pays. Il connaît chaque fleuve par son nom, 
chaque animal et chaque plante. Il sait tout, tout, tout. Pose à un Papalagui cultivé une question, il te fusille de la réponse avant que tu aies le temps de fermer la bouche. 
Sa tête est toujours chargée de munitions et prête à tirer. Chaque Européen donne le plus beau moment de sa vie pour rendre sa tête semblable au tube à feu le plus rapide. 
Celui qui voudrait s'en dispenser est contraint et forcé. Il faut que chaque Papalagui apprenne et pense.

La seule chose qui pourrait guérir tous ces malades de la pensée, l'oubli, le rejet des pensées, n'est pratiquée que par un nombre très réduit. 
La plupart trimbalent un poids si lourd dans leur tête que leur corps fatigué et épuisé se fane avant l'heure.

Est-ce que nous devons, mes chers frères non-pensants, après tout ce que je vous ai fidèlement rapporté, être vraiment les disciples du Papalagui et apprendre à penser comme lui? 
Je dis: « Non! » Car nous ne devons rien faire de ce qui ne rend pas notre corps plus fort et nos sens meilleurs et plus heureux. 
Il faut nous garder de tout ce qui voudrait nous voler la joie de vivre, de tout ce qui assombrit notre esprit et lui prend sa lumière limpide, 
de tout ce qui met notre tête en conflit avec notre corps. Le Papalagui nous prouve lui-même que penser est une grave maladie qui diminue de beaucoup la valeur de l'être humain.

1. Un des mets favoris des Samoans, composé de crème à la noix de coco, enveloppé dans une feuille de taro.
2. Les enfers.
3. Nom du plus grand Dieu légendaire.
4. L’âme.
5. Stupide.
6. Mille-pattes des régions chaudes. 

Eric Scheurmann

Exposition d'Ikebana

Exposition d'Ikebana
du 24 au 27 Mars 2011
15 rue de La Pleau - Toulouse

Cette année particulièrement, je voudrais dédier cette exposition
à tout le peuple japonais qui souffre aujourd’hui.

Le Japon c’est mon pays de cœur, 
c’est là-bas que j’ai reçu tout ce que je peux exprimer aujourd’hui avec les fleurs, 
avec la nature, avec vous tous.

J’espère qu’au travers de toutes ces compositions florales 
vous y trouverez beaucoup de joie, de gaîté, et d’énergie, 
pour soutenir tous nos amis japonais.

Je mettrai tout en œuvre pour que tous les bénéfices de cette exposition 
aillent directement au Japon pour aider à surmonter cette catastrophe.

En parallèle à cette exposition, je suis heureuse d’accueillir Mme Katsube, 
professeur de civilisation japonaise à l’université de Nara, 
qui réalisera le Samedi 26 Mars à 14h30, au Musée Paul Dupuy, 
une conférence sur la culture traditionnelle japonaise, 
et en particulier le monde des geishas. 

Je vous remercie de votre soutien, et j’espère vous offrir une merveilleuse exposition 
pour fêter un printemps 2011 plein d’espoir, 
de solidarité et de paix dans le monde. 

Marette Renaudin
www.ikebana-toulouse.com

Page 1 of 2

Fièrement propulsé par WordPress & Thème par Anders Norén