Soleil d'hiver

Poutres et Piliers

Pause vigilante

Rayons de soleil rasant

Et... nous apprenons à ne pas viser

Le Yasuchi dans l'ombre des chênes

Les yeux du Démon

session fevrier 2020-3

Quand le Bas invite le Haut

 En ce vendredi matin, le porte arc est plein. Les poignées échanges leurs couleurs et semblent se parler.
Le groupe finit de préparer le lieu. Le maku observe les 5 mato en-dessous de lui, bienveillant. 
Les plaisanteries murmurent pendant que les pratiquants se préparent. Une douceur doublée d’une légère tension s’installe.
Le salut appelle à transmettre notre chaleur et notre énergie au professeur de notre professeur, Suzuki sensei.  La relation s'opère, timide et maladroite.
Kyudo est relation, kyudo est connection. Le thème est appelé et rappelé. Il nous accompagnera et nous guidera durant ces trois jours.
L’intensité du vendredi ressemble au printemps qui s’éveille, joyeux, insouciant, débordant d’énergie. Les flèches s'enchaînent sans discontinuer, le rythme est constant, soutenu, comme pour rattraper un retard. Seule la pose de midi viendra interrompre l’étude. Est-ce une interruption? Cela fait aussi partie de l’étude. La relation au groupe et la relation au professeur est là, juste plus légère.

Malgré la fatigue qui commence à se faire sentir, les tirs reprennent de plus belle. La fatigue, une allié, elle laisse pénétrer l’étude. La fatigue, trompeuse, créé une illusion en nous ramenant dans nos dérives, nos fausses croyances, notre quant-à-soi. Alors la vigilance individuelle, la vigilance du groupe, mais surtout la vigilance de notre professeur nous ramènent sur le chemin bienveillant des kihon.
Shi, Zen, Bi est rappelé. Vérité, Bonté, Sincérité travaillent les corps, les gestes et le coeur.
Si le groupe se sépare pour le soir et la nuit, la relation reste. Je suis un peu triste de partir, de quitter, mais je sais que cela sera de courte de durée.
Le lendemain, la comparaison avec le rythme de la nature pourrait appeler à l’été. Je n’ose cette association trop facile. Pourtant, une luminosité sublime embaume le lieu, révèle les détails cachés avec douceur mais précision.
L’étude reprend, les corrections sont plus appuyées, l’étude est généreuse mais empreinte d’un autre sérieux, de contenu. Le rythme débordant et enjoué de la veille laisse place à quelque chose de soutenu. La fatigue, oubliée le matin, reprend l’après-midi. Va-t-elle de nouveau être une allié et une trompeuse? La tromperie de toucher, la tromperie de viser, la tromperie de croire que je ne vise pas…
Remarquer ce qu’il se passe en moi, repérer la tromperie, réaliser que j’ai visé consciemment, inconsciemment, subconsciemment. Les flèches s’enchaînent à nouveau. Je ne vois rien, peut-être ici, peut-être là, la tête s’incline, la commissure des lèvres est perdue, j’ai oublié de m’ouvrir, j’ai tiré avec la corde dans mon coude, non, c’est ma main… Alors je recommence, jusqu’à ne plus savoir… Mon professeur est toujours là, à chaque flèche, merci.
Ce soir, le groupe sera moins séparé. Le repas du soir est l’occasion de faire durer le plaisir d’être ensemble. Quelques agapes, des conversations légères, des échanges sur la pratique, les souvenirs des voyages vers l’orient. La fatigue nous pousse vers la porte pour mieux nous retrouver.
Tranquillité, Silence, Ouverture. Ainsi sont guidés nos gestes, notre souffle, notre coeur, notre regard dès le dernier matin.
Le reisha se déroule, nous sommes deux, je suis tendu vers l’autre, il est tendu vers moi, attentifs à tout ce qui peut se passer entre nous deux. Le monde autour de nous se perd dans un brouillard, petit à petit.
L’émotion grandit, perturbe la tranquillité, repousse le silence et étreint l’ouverture. 
Revenir dans le ventre, se raccrocher aux kihon, prendre le temps, laisser circuler, rester conscient d’autour de soi. Je perds le autour de moi, je suis dans mon monde, l’ouverture est difficile, imperceptible, le lâcher, une libération…
 La TaïKaï créé une tentation, la tentation. Les mato féminins nous regardent, étranges mais calmes.Les séries s'enchaînent, les rôles changent. 
Attention, ne pas me perdre dans mes pensées en regardant les archers.Attention, rester connecté quand au bord du matoba mon bras montre la cible révélatrice. rester connecter à celui qui tire, à celle qui tire.
Attention, à mon tour d’être connecté avec les archers sur le honza, saluer, offrir le tir, rester connecté, les émotions montent, mon professeur les voient avant moi, toujours. La tranquillité se perd à nouveau, réaliser l’absence d’ouverture. Recommencer.
La TaiKaî se termine, déjà, il y a un vide sur le moment mais la réjouissance d’être ensemble et de continuer sans relâche, continuer l’attention, continuer la connection, continuer le tir.
Départageons nous, joyeusement, dans l’étude. Les 3 touchers, les 2 touchers, le 1 touchers et le non toucher s'égrènent.La Tranquilité devient difficile, le Silence s’ébruite et l’Ouverture est minuscule. Je les réalisent mais trop tard, juste après le moment.
Alors les kinteki s’affichent tels deux yeux de feu solaire. Oni wa desu!
Les premiers archers hésitent, qui est le plus jeune, toi, moi, juste allons-y gaiement. Profitons de cette libération supplémentaire, joyeusement mais sérieusement, offrant encore une fois nos poitrines épuisées, nos jambes tendues dans un oubli libérateur.
Le dernier salut s’offre au professeur de notre professeur.
Mon coeur va à mon professeur.
Mon remerciement va au groupe.
Nous nous quittons, je ne veux pas quitter.
Je sais que le retour dans le kenkaï révèlera la différence.
Je sais déjà que lundi je serai silencieux...

Patrice

 

 Quelle joie de découvrir enfin ce petit geste que l’on rajoute, cet accroc au déroulement tranquille, cette maladresse inutile révélant une peur, un doute…Depuis longtemps le regard de notre professeur nous le révèle, et pourtant tant de brouillard et d’agitation nous le masquait encore.
Enfin nous voici à pied d’oeuvre non seulement pour se relâcher mais pour que la petite graine de ce geste n’est même plus la capacité de germer.
Passionnant… jusqu’à débusquer un autre petit geste parasite, une énième tricherie et de continuer ainsi à éclaircir encore et encore la ronde magnifique et aimante de l’Arc.
Merci Bernard de cette marche tonique et décidée vers les cimes ensoleillées.
Frédéric 

 

 J’ai éprouvé beaucoup de joie pendant ce stage : j’avais de la joie à tirer chaque flèche, qu’elle soit ratée ou réussie, qu’elle se vautre ou qu’elle s’envole, qu’elle touche ou pas… peu importait, je les sentais chacune "juste"; toutes elles m’apprenaient quelque chose sur moi : un point à travailler, une peur, une tension, un manque… et j’étais heureuse après le zanshin à l’idée de tirer la flèche suivante.
J’ai beaucoup aimé la Taïkaï, et particulièrement le niveau de connexion avec Frédéric, Téo et Michel (avec qui j’ai tiré) : je nous ai rarement senti autant ensemble et en lien, à la fois soutenus et soutenant, que pendant cette Taïkaï.

J’en suis ressortie fatiguée et heureuse, me sentant en chemin vers "sincérité, beauté, vérité" grâce à la fréquentation petit à petit de : "tranquillité, silence, ouverture".

Merci de tout mon Kokoro à Bernard qui nous guide, et à nous tous de nous accompagner mutuellement sur ce chemin,
Korine

 

Joie et tristesse mais aussi, et surtout, partage et soutien. Voici les sentiments qui m'ont accompagné durant ce stage. Au premier abord, un drôle de mélange... Mais tandis que les deux premiers formaient un maelström en moi, les deux derniers, apportés par la pratique et le groupe, l'ont apaisé.
Téo

 

Du salut au salut, le tir n’est pas une affaire solitaire. 
Nous saluons l’espace monde entre l'archer et la cible.
Trois pas en avant, un pas de côté, face à Amaterasu nous saluons l’éclat du soleil à travers les portes entrebaillées du sanctuaire.
Salut à toi qui est derrière moi, salut à toi que est devant moi.
Salut au ciel, ascension sans limites.
L’offrande en salut au monde et à l’humanité, debout au bord du gouffre.
Salut à la terre qui monte dans les jambes.
Salut au temps suspendu qui gonfle et dilate la poitrine qui explose, s'écartele, se déchire, fissure brûlante du sternum, arrachement d’une toux de bronchite.
La flèche est partie, ... en liberté surveillée.
Salut au silence.
Salut du retour au ventre.
Salut au professeur et aux professeurs du professeur.
Filiation d'un l’instant au temps et à l’espace ?
Recommencer, sans penser.
Michel