détresse
La détresse Inconfortable, insupportable.
Quand on voit avec ce regard implacable autant qu’aimant, impartial autant que loyal, apparaissent les détresses qui dévastent et submergent. Aussi, vivre c’est développer et être familier de cette façon d’observer sans les émotions de jugement, de comparaison et d’analyse.
Quitter le « moi je » qui déforme.
La plupart du temps, le désarroi s’incruste, on s’y habitue et la désolation inflige un dehors catastrophique. L’insupportable devient une manière de vivre, une manière d’être créant des mœurs, des attitudes, des coutumes, des croyances artificielles. On exclut ce que l’on ne veut pas regarder en nous. Appliqué à la société, cela bascule si facilement dans de la haine et la ségrégation…
Les conflits, les guerres sont issues de ces déséquilibres.
Pourtant l’Aikido, le Kyudo, Méditer, peut œuvrer à la reconquête de nos intérieurs trop abimés. Il s’agira de libérer cet espace, déblayer les obstacles inutiles et découvrir notre vraie nature spacieuse. D’autres voies bien heureusement respirent, mais celles-ci, je les fréquente et elles me nourrissent.
Cela étant je vous les fais partager.
Il m’arrive trop souvent de constater le choix désastreux de retourner dans les aises d’une vie facile et pauvre pour quitter celle de la pratique et de ses enseignements résolument inconfortables mais remplis de toutes leurs profondeurs éclairantes.
La Discipline est là pour que l’esprit de gagne disparaisse au profit de l’esprit de l’Etre. Mais désormais qui veut cela ?
La vie de nombreuses personnes s’est noyée dans une habitude de l’insupportable, les corps peinent dans leur dureté, le desséchement et l’insensibilité. Le monde du sentir, de l’invisible est figé et l’on ressasse continuellement. Alors celles et ceux qui tentent de voguer vers plus de lumière apparaissent comme des originaux, des énergumènes, voir des fâcheux.
Il semblerait que nous créons le monde qui nous entoure.
Je souhaiterai par ces quelques lignes, alerter vos réflexions sur les vagues qui animent la vie d’un pratiquant engagé.
Au début, il y a immanquablement une période romantique qui nous remplit. La pratique, l’immersion dans le groupe, rendent ce moment engageant, plaisant. Souvent cela correspond à nos idées et conforte le sentiment que nous avions raison. On apprend assez vite et le tir (Kyudo) les chutes et le marcher (Aikido) se mettent en place grossièrement. Après avoir résolu les première tendres difficultés de la prise de l’arc et d’un lâcher embrouillé (Kyudo) , la flèche vole vers le makiwara. Le bain exotique nous porte, on rêve de tirer à la cible et l’on s’interroge du fait qu’on n’y soit pas déjà… Tout cela est normal, se répétant en nuance pour chaque pratiquant. L’étude se déroule ainsi pendant quelques années dans ce climat quelque peu idéaliste où le mystère, de temps à autre, fait quelques apparitions dans les émotions. Quelques regards interdits trahissent le passage de l’ange, bien vite contrôlé, censuré, nié.
Parfois la flèche rejoint la cible et malgré l’avertissement qui tombe d’une manière implacable, on demeure convaincu de sa bonne réalisation. Tout cela est normal, habituel, commun.
Il me fut dit, il y a de cela bien longtemps que la pratique est romantique. Cela se confirmait dernièrement : la vision de la nature est un état de romance.
Il est vrai le romantisme ne fait pas parti des cultures orientales, mais n’ai je pas vu quelques fois mes professeurs verser une larme pudique devant un fait de la nature qui pourrait paraître anodin.
Cette réflexion toucha fortement la sensation poétique et mystérieuse des choses que j’appréhende. Chaque regard, chaque sensation, chaque contact, chaque bonjour, déborde de ma pensée, la submerge pour toucher au mystère.
Mes lignes depuis longtemps guettent ces mots qui sonnent et pourraient retentir d’un absolu cellulaire, un frissonnement brûlant.
Pourrais je m’y noyer un jour ?
Les premiers pas de notre corps débutant nous font appréhender cette innocence. Cette pureté qui nous habite probablement à la naissance et même avant. Elle est aussi dans l’arc qui s’ouvre et dont la flèche jaillit. Je constate et déplore que cette phase-instant dure si peu ou n’existe même plus, laissant la place aux élucubrations intelligentes, raisonnées, calculées et donc imbues.
La raison ne supporte plus rien d’autre qu’elle-même.
Le mal-être habite le monde, justement pour avoir quitté cette innocence. Un pressentiment saisit le chemin à prendre. Il sera long, extrêmement long et difficile.
Découvrir qu’il existe est la vraie victoire.
Nous allons alors quitter un inconfortable travesti de rôles, pour pénétrer un autre inconfort, parfois tonitruant. L’insupportable habituel n’est plus appréhendé, enfoui sous des épaisseurs de devoir et de charges.
La confrontation sera brulante, Elle durera des années. Elle bousculera toutes nos convictions, remplacée par un instinct affectueux. L’intuition romantique sera salutaire, la nature complice en soutien, en exemple. Revenir à cet état de débutant est bien plus qu’une histoire d’humilité, de modestie mais un sens vital essentiel.
Alors répéter les gestes devient un délice que l’on déguste. Ça bouge du dedans, la réussite est dans l’ouvrage et l’intention. La fantaisie apparait alors dans la rigueur de l’œuvre.
Yusen