L'entraînement et la vie sont romantiques

【第2回】 稽古も人生もロマンで

Texte de Sasaki Takashi Senseï professeur de Bernard Bleyer

Les pratiquants d'aikido et d'arts martiaux peuvent être considérés comme des romantiques. Ceux qui s'entraînent dans ces disciplines ont chacun leurs objectifs et s'efforcent de les atteindre. Cependant, même lorsqu'ils s'en approchent, de nouveaux objectifs apparaissent, et même lorsqu'ils pensent être proches de leur but ultime, ils se rendent compte qu'ils ne peuvent jamais l'atteindre parfaitement. C'est en quelque sorte une tragédie, mais aussi une romance.

Les êtres humains sont destinés à mourir. Bien que nous ne puissions vivre éternellement, nous essayons de maîtriser notre voie le plus longtemps possible. La vie, elle aussi, peut être vue comme une tragédie, mais c'est aussi romantique.

L'entraînement aux arts martiaux ne comporte pas de compétitions. Contrairement aux sports, il n'y a pas de règles, donc une compétition signifierait risquer sa vie. Quand j'étais jeune, je m'entraînais seul tous les jours, couvert de poussière. Au collège et au lycée, j'ai tenté de progresser en saut en hauteur, m'entraînant dur avec mes propres idées pour améliorer mes performances. J'ai fini par représenter ma région au tournoi du Tohoku[1] et participer à la compétition nationale.

Cependant, cette expérience a changé ma perception. Dans toute compétition, il y a toujours un gagnant et un perdant. Bien que gagner soit important pour les participants, d'un point de vue global, les victoires et les classements sont relatifs et temporaires, n'ayant pas une grande signification. Cela se résume à quelqu'un qui gagne et devient premier, deuxième ou troisième.

Par la suite, j'ai cherché quelque chose que je pourrais pratiquer toute ma vie. C'est alors que j'ai découvert l'aikido.

Dans les arts martiaux, il est naturel de vouloir connaître son niveau. Mais sans compétitions, il n'est pas possible de classer les pratiquants comme dans les sports. On peut seulement s'imaginer ou laisser les autres imaginer son niveau. Cependant, en touchant la main ou le corps de l'adversaire, ou pour les maîtres et experts, simplement en le regardant, on peut évaluer le niveau de la personne. Par conséquent, il n'y a pas besoin de compétition.

Pour progresser dans les arts martiaux, il faut s'entraîner et pratiquer. Cependant, bien que cela soit une condition nécessaire, cela ne garantit pas de progresser. Par exemple, pratiquer incorrectement peut entraîner une régression. Même en s'entraînant intensément, les progrès sont souvent minimes. Contrairement aux mangas ou aux films, où l'on observe des progrès soudains et spectaculaires, les progrès en arts martiaux nécessitent des années, voire des décennies d'efforts. Même après des décennies, les progrès peuvent être comparés à l'épaisseur d'une feuille de papier.

Le niveau de progression dépend des talents, des efforts, de la chance et de la fixation d'objectifs. On s'entraîne en visant un certain objectif. Parfois, un nouvel objectif apparaîtra, ou on se sentira éloigné de son objectif, mais il est important de continuer à avancer, même lentement. Il est possible de s'approcher indéfiniment de l'objectif, mais malheureusement, on ne l'atteindra jamais complètement. Les maîtres et experts sont souvent les plus forts juste avant leur mort, c'est pour cette raison.

Quand on se compare aux autres ou qu'on est en compétition, le romantisme disparaît. Le romantisme ne peut être poursuivi que dans la lutte contre soi-même. Si l'on cherche à vaincre un adversaire, la victoire devient l'objectif principal, et on peut être tenté de tricher ou d'enfreindre les règles. De plus, la force physique, la puissance ou l'argent peuvent influencer les résultats, exposant ainsi les aspects sombres de la civilisation matérielle. Dans les sports, on peut admirer des exploits techniques, mais ceux-ci ne sont réalisables que pendant la jeunesse et la force physique. Il semble artificiel et vide de penser qu'on pourrait continuer ces exploits jusqu'à 80 ou 90 ans. Voir des personnes âgées en Chine pratiquer les arts martiaux traditionnels me donne envie de continuer jusqu'à 80 ou 90 ans.

Dans la lutte contre soi-même, il n'y a pas de place pour le mensonge ou la tromperie. Seuls les efforts comptent. La joie de réussir quelque chose qu'on n'avait jamais pu faire avant, ou de comprendre ce qu'on n'avait jamais compris, est incomparable. La vie offre une infinité de choses à apprendre et à faire. Même si accomplir toutes ces choses est impossible en une vie, les explorer est une source de plaisir. D'où venons-nous, où allons-nous ? Je voudrais au moins découvrir cela. L'on ne peut tout accomplir ni maîtriser parfaitement une seule chose, mais je veux vivre dans le romantisme de m'en approcher pas à pas.

Sasaki Takashi

[1]     Cette région couvre le nord-est de l'île de Honshū, l'île principale du Japon.

Traduit du japonais par Pablo Jaulin, avec l'aide d'outils numériques